La pùtisserie française est la meilleure du monde!
J’ai Ă©crit cet article pour le n°56 de Papilles, la revue de l’Association des BibliothĂšques Gourmandes.
Il y a une quinzaine dâannĂ©es, jâai dĂ©mĂ©nagĂ© Ă Berlin. Dans les boulangeries de mon nouveau pays, on trouve quantitĂ©s de pains dĂ©licieux, mais au rayon viennoiseries et pĂątisseries, les choses se gĂątent. On a bien des croissants (prononcĂ©s « crĂŽsson ») et des gĂąteaux, mais on est loin, trĂšs loin, des opĂ©ras, religieuses et Paris-Brest des boulangeries-pĂątisseries françaises.
Berlin nâest pas le seul dĂ©sert pĂątissier. MĂȘme Ă Vienne, qui devrait pourtant faire concurrence Ă Paris (on ne mange pas des « viennoiseries » pour rien), pĂątissiers et pĂątissiĂšres vont se former dans les Ă©coles de boulangerie-pĂątisserie de Paris ou Lyon.
DâoĂč vient la suprĂ©matie pĂątissiĂšre de la France ? Pourquoi ne voit-on pas de pĂątisseries allemandes Ă Paris, alors quâil existe une quinzaines de PĂątisseries â en français dans le texte â Ă Berlin ? Une courte histoire des pĂątisseries françaises et allemande nous offre la rĂ©ponse.
Les oublieurs, ces oubliés
Dans son ouvrage monumental paru en 1892, Les mĂ©tiers et corporations de la Ville de Paris, lâhistorien RenĂ© de Lespinasse rassemble les statuts des corporations de la capitale depuis le Moyen-Ăge. Il consacre un chapitre entier aux pĂątissiers ou plutĂŽt aux oublieurs, qui fabriquent les oublies, sortes de gaufres dĂ©rivĂ©es des hosties. Les oublieurs et oublieuses ont leur propre corporation dĂšs le 13e siĂšcle, lit-on chez Lespinasse, Ă laquelle sâadjoignent les « gasteliers » et les « pastoiers1 ». Les pĂątissiers obtiennent leurs propres statuts en 1440, mais ils sont encore associĂ©s aux oublieurs. Et de toutes façons, les boulangers sâarrogeaient probablement le droit de faire des pĂątisseries, câest Ă dire des pĂątes Ă base de farine, dâeau et dâĆufs, farcis de poisson ou de viande2.
Un pĂątissier du 17e siĂšcle. Februari: Kok met een pastei, Theodor Matham, after Joachim von Sandrart (I), 1645.
Jusquâau 16e siĂšcle, non seulement la pĂątisserie est mal dĂ©finie, mais elle a trĂšs mauvaise rĂ©putation. Lâune des pĂątisseries frĂ©quemment mentionnĂ©e sâappelle ainsi le « casse-museaux ». Surtout, la plupart des statuts collectĂ©s par Lespinasse rappellent aux pĂątissiers dâutiliser « de bonnes chairs et de bons poissons non corrompus3 ». En clair, les pĂątissiĂšr·es de la Renaissance vendaient souvent des confections sĂšches Ă sâen casser les dents, et remplies de viandes avariĂ©es. On est encore loin de la boutique Pierre HermĂ©.
Le premier tournant est pris au 17e siĂšcle. François-Pierre de La Varenne publie Le Pastissier François en 1653, quelques annĂ©es aprĂšs son premier best-seller, Le Cuisinier François, un des tout premiers livres de cuisine modernes. La Varenne montre que la pĂątisserie est devenue un art raffinĂ© et complexe, digne dâavoir son propre livre de recettes. Les casse-museaux sont toujours au programme, mais ce sont des beignets de pĂąte feuilletĂ©e remplis de moelle de bĆuf au sucre et Ă la cannelle4 â certainement pas ce qui se vendait dans les rues de Paris au cours des siĂšcles prĂ©cĂ©dents. La pĂątisserie a rejoint lâĂ©lite de lâart culinaire, mais elle reste loin de ce que lâon connaĂźt au 21e siĂšcle. Ă part les macarons et les pets de putain5 (rebaptisĂ©s « pets de nonne » par la suite), une pĂątissiĂšre dâaujourdâhui ne reconnaĂźtrait pas grand-chose de son art dans le livre de La Varenne.
Le second tournant a lieu lors de la Restauration. La meilleure trace de ce renouveau pĂątissier est lĂ encore un best-seller, Le PĂątissier royal parisien, dâAntonin CarĂȘme, paru en 1815. CarĂȘme Ă©tait la star incontestĂ©e de la cuisine française au dĂ©but du 19e siĂšcle, le premier « chef mĂ©diatique ». Dans son livre de recettes, les pĂątisseries correspondent beaucoup plus Ă ce que lâon connaĂźt. On nây trouve plus de casse-museaux, mais des babas, des brioches, des kouglofs et des choux glacĂ©s (bien que les pĂątisseries salĂ©es nâaient pas disparues).
Plusieurs facteurs expliquent cette montĂ©e en gamme de la pĂątisserie progressive, du 17e au dĂ©but du 19e siĂšcle, ainsi que son virage vers le sucrĂ©. La mise en esclavage des populations tupies et caraĂŻbes dâabord, africaines ensuite, a permis la production de quantitĂ©s considĂ©rables de sucre, qui devient un symbole de statut pour les riches EuropĂ©ens. En apportant Ă table des crĂ©ations en sucre, on met en scĂšne son propre pouvoir6. Ensuite, la vie Ă la cour demandait aux nobles de rivaliser dâoriginalitĂ© et de raffinement. Le repas, moment social par excellence, se prĂȘtait Ă cette compĂ©tition au mĂȘme titre que les habits ou les perruques.
Si cela permet dâexpliquer pourquoi la pĂątisserie moderne est apparue au 18e siĂšcle, cela nâexplique en rien pourquoi les pĂątisseries françaises ont si bonne rĂ©putation. Et en effet, jusquâau 19e siĂšcle, la France est loin dâĂȘtre le centre du monde pĂątissier.
Habsbourg et pĂątissiers
Du 15e au 18e siĂšcle, lâEurope est le théùtre de la rivalitĂ© entre la maison de Valois, puis de Bourbon, et celle de Habsbourg. La cour de Vienne a des vassaux de Flandres jusquâĂ la SilĂ©sie ; elle nâa rien Ă envier Ă celle de Paris ou de Versailles. Les nobles autrichiens nâavaient sans doute aucun complexe dâinfĂ©rioritĂ© gastronomique vis-Ă -vis de leurs homologues français. Dâailleurs, quand lâempereur Ferdinand I cherche un pĂątissier au milieu du 16e siĂšcle, il le fait venir des Pays-Bas, pas de France7.
La capitale impĂ©riale a fait naĂźtre une culture gastronomique sur les tables de ses nobles, qui ont engagĂ© les meilleurs cuisiniers dâEurope. Ces derniers ont Ă leur tour incitĂ© les paysans et paysannes des provinces environnantes Ă produire des lĂ©gumes, fruits et animaux de qualitĂ©. Antonin CarĂȘme, qui rĂ©side Ă Vienne plusieurs mois au dĂ©but du 19e siĂšcle (il y est au service de lâambassadeur britannique) et qui a visitĂ© plusieurs pays dâEurope, lâadmet dans Le MaĂźtre dâhĂŽtel français, un livre de cuisine quâil publie en 1822. Alors quâil y fait montre dâun chauvinisme sans bornes (« France, que ton sol est supĂ©rieur Ă celui de tous les pays! » y Ă©crit-il8), on y apprend que Vienne est (aprĂšs Paris Ă©videmment) la ville « la plus agrĂ©able » pour faire la cuisine9.
Les Ă©crivains autrichiens ont archivĂ© et diffusĂ© la richesse de la cuisine viennoise dans de nombreux livres de recettes. En 1760, Ignaz Gartler publie son « livre des recettes viennoises Ă©prouvĂ©es » (Wienerisches bewĂ€hrtes Kochbuch), qui a connu un succĂšs phĂ©nomĂ©nal et a Ă©tĂ© rééditĂ© quasiment tous les ans jusquâau milieu du 19e siĂšcle. Je nâai pas retrouvĂ© la premiĂšre Ă©dition, mais dans celle de 1790, on compte 46 recettes de pĂątisseries, et 163 dans celle de 1817. Au delĂ du nombre et de la variĂ©tĂ© des pĂątisseries viennoises, aucune de ces recettes nâutilise de termes français (sauf une, celle des Tortoletel aux amandes)10.
Peut-ĂȘtre que le reste de lâAllemagne avait aussi de bons pĂątissiers, mais câest moins sĂ»r. Une noble en exil dans le Brandebourg en 1794 a Ă©tĂ© jusquâĂ Ă©crire que les pĂątisseries berlinoises Ă©taient les meilleures du monde et que « celle des plus habiles pĂątissiers de Paris ne [pouvaient] lui ĂȘtre comparĂ©e » (parce que les Allemands utilisent de la farine dâĂ©peautre et non de froment, dit-elle). Mais je nâai quâune confiance limitĂ©e dans ses goĂ»ts, Ă©tant donnĂ© quâelle trouvait les pĂątisseries en gĂ©nĂ©ral « trĂšs malsaines11 ».
Lâinfluence française est tout aussi inexistante dans les livres allemands et autrichiens publiĂ©s au 19e siĂšcle. En 1837, un livre de recettes autrichien parle des « pĂątissiers ou de ce quâon nomme Mandoletti, que lâon trouve en nombre dans les grandes villes12 ». Si les Autrichiens tenaient en estime une nation pour leurs pĂątisseries, câĂ©tait plutĂŽt lâItalie.
Encore en 1880, une intellectuelle autrichienne, Eufemia Kudriaffsky, Ă©crit une histoire culturelle de la cuisine, un siĂšcle avant que les historiens ne daignent se pencher sur le sujet. Elle reconnaĂźt que les Français sont des modĂšles europĂ©ens en ce qui concerne lâhabillement et la nourriture13. Mais quand elle liste les spĂ©cialitĂ©s de chaque pays, la France se voit attribuer les potages et les ragoĂ»ts, alors que lâAutriche se distingue par ses pĂątisseries14.
Dans le reste de lâAutriche-Hongrie, ou en tous cas dans ses pĂątisseries, impossible de retrouver une quelconque influence française avant la toute fin du 19e siĂšcle. Dans une histoire des pĂątisseries de Pest, grande ville hongroise situĂ©e 250 kilomĂštres en aval de Vienne le long du Danube, lâhistorien RĂłzsa MiklĂłs rapporte dâune part quâil existait plusieurs pĂątisseries15. De trois Ă©tablissements en 1814, on en comptait dĂ©jĂ 18 en 1848. Bien sĂ»r, câĂ©tait moins quâĂ Paris, oĂč CarĂȘme compte 258 pĂątissiers en 181516. Mais Paris avait Ă lâĂ©poque 700 000 habitants, contre 60 000 Ă Pest au milieu du 19e siĂšcle. Dans les deux villes, on avait donc environ 3 000 habitants pour une pĂątisserie. Surtout, RĂłzsa a explorĂ© les biographies des pĂątissiers installĂ©s Ă Pest au 19e siĂšcle. Lâun a appris le mĂ©tier Ă WĂŒrzburg, lâautre Ă Vienne, un autre encore Ă Göttingen. Tous ou presque sont allemands (sauf un Suisse), ce qui montre lâinfluence de la pĂątisserie autrichienne dans le reste de lâempire. Aucun nâĂ©tait hongrois⊠ou français.
Si la pĂątisserie viennoise avait une telle influence, pourquoi lâa-t-elle perdue ? Pourquoi les pĂątissiers viennois viennent-ils aujourdâhui se former Ă Paris, et non pas lâinverse ?
Guerre et pets de nonnes
La rĂ©ponse est en partie culturelle. La Varenne et CarĂȘme publient leurs livres en français. De la fin du 17e au milieu du 19e siĂšcle, tout ce que lâEurope compte dâintellectuels et de puissants parle, ou au moins lit le français. Ignaz Gartler, qui a publiĂ© en 1760 son livre de « recettes Ă©prouvĂ©es », Ă©tait peut-ĂȘtre aussi talentueux que les chefs français. Mais en publiant en allemand, et en Fraktur (lâĂ©criture gothique), il sâassurait de ne pas ĂȘtre lu au-delĂ des frontiĂšres du Saint-Empire.
Par ailleurs, les Habsbourg nâont pas vraiment encouragĂ© lâĂ©dition17. Les publications de Vienne, journaux ou livres, nâont jamais menacĂ© lâhĂ©gĂ©monie culturelle du français. Par la force des choses, le vocabulaire et les techniques des pĂątissiers français se sont rĂ©pandues en Europe, quand celles des pĂątissiers viennois sont restĂ©es circonscrites Ă lâEurope centrale. RĂ©sultat, les pĂątissiers parisiens nâont pas cherchĂ© Ă imiter leurs collĂšgues viennois en plongeant le pain dans lâeau bouillante avant la cuisson, pour faire des bagels, ou dans une solution basique, pour faire des bretzels. Encore aujourdâhui, les Laugencroissants (des croissants cuits comme des bretzels) sont introuvables en France, et câest bien dommage.
Au cours du 19e siĂšcle, les livres de recettes autrichiens spĂ©cialisĂ©s dans la pĂątisserie font de plus en plus de place aux termes français. En 1860, Der Vollkommene Conditor (« le confiseur accompli ») parle de Biscuits et non plus de Zwieback (littĂ©ralement « bis-cuit » en allemand), de Bonbons et non plus de Zuckererbsen (« pois de sucre »)18. Il faudrait faire une Ă©tude approfondie pour savoir si le vocabulaire des pĂątissiers autrichiens a effectivement glissĂ© vers le français comme je lâimagine. Reste quâĂ la fin du 19e siĂšcle, ils commencent Ă parler de leur art comme de la PĂątisserie, en français dans le texte19.
LâhĂ©gĂ©monie du français a certainement jouĂ© un rĂŽle dans lâextinction de la tradition pĂątissiĂšre viennoise. Mais la raison principale de cette chute est sans doute plus prosaĂŻque, câest la guerre. Alors quâelle Ă©tait capitale impĂ©riale, attirant des sujets de Trente en Italie jusquâĂ LĂ©opol en Galicie (actuelle Lviv en Ukraine), Vienne sâest retrouvĂ©e en 1918 capitale dâune petite rĂ©publique alpine. La ville nâa dâailleurs jamais retrouvĂ© sa population dâavant la premiĂšre guerre mondiale. Dans le reste de lâempire austro-hongrois, les transformations furent souvent plus brutales. Les pĂątissiers de Pest devenue Budapest firent face aux pĂ©nuries dâabord, puis Ă la rĂ©publique soviĂ©tique de Hongrie en 1919, enfin Ă la dictature de Horthy.
Une historienne hongroise a retracĂ© la biographie dâun pĂątissier de Budapest dans ces annĂ©es lĂ , Berta MihĂĄly20. Son premier employeur a fermĂ© boutique Ă la fin de la guerre, dâabord parce quâil nâavait droit quâĂ quelques kilos de farine par mois, ensuite parce quâil avait peur que les communistes lui reprochent de faire des mets bourgeois. Berta a dĂ» prendre un travail Ă lâusine. Mais quand, quelques annĂ©es plus tard, il souhaite retourner Ă son premier mĂ©tier, on lui rĂ©pond quâun ouvrier qui nâa pas travaillĂ© dans une pĂątisserie pendant plus de cinq a nâest plus bon Ă rien. Berta a finalement pu se mettre Ă son compte quelques annĂ©es plus tard, mais son histoire est sans doute reprĂ©sentative de toute une gĂ©nĂ©ration de pĂątissiers dâEurope centrale. Les guerres et lâHolocauste en ont tuĂ© une partie, les pĂ©nuries et les retournements idĂ©ologiques ont presque anĂ©anti les autres.
Pendant ce temps-lĂ , la vie des pĂątissiers parisiens nâĂ©tait pas rose tous les jours, mais la capitale restait le centre dâun empire gigantesque. Les clients et clientes de Dalloyau ou de LenĂŽtre, comme les nobles de lâAncien RĂ©gime, avaient Ă cĆur de se distinguer en dĂ©gustant les pĂątisseries Ă la mode du moment. La diffusion de la rĂ©frigĂ©ration artificielle a permis de nouvelles crĂ©ations. Les crĂšmes et mousses ont rejoint les macarons et les mille-feuilles sur les prĂ©sentoirs.
Des apprentis-pĂątissiers au 20e siĂšcle. Rue du Terrage : Ă©cole d’apprentissage de patisserie / Agence Meurisse, 1931.
La pĂątisserie française sâest imposĂ©e grĂące Ă lâhĂ©gĂ©monie culturelle française au 19e siĂšcle. Elle a Ă©tĂ© adoptĂ© partout, comme le concept de restaurant Ă la mĂȘme Ă©poque (on dit bien restaurant en anglais, Restaurant en allemand et restaurace en tchĂšque). Dans la premiĂšre moitiĂ© du 20e siĂšcle, sa principale concurrente, la pĂątisserie viennoise, sâest effondrĂ©e, lui laissant le champ libre.
Dans la seconde moitiĂ© du 20e siĂšcle, la pĂątisserie a fait face Ă un problĂšme de dĂ©finition. Sans rĂ©elle concurrence, on en est venu Ă considĂ©rer que la « pĂątisserie » Ă©tait tout simplement ce que produisaient les pĂątissiers français. Quand je parlais de pĂątissiers autrichiens plus haut, je parlais en rĂ©alitĂ© de plusieurs sortes de productions. La ZuckerbĂ€ckerei (pĂątisseries au sucre), la FeinbĂ€ckerei (pĂątisserie fine), la KuchenbĂ€ckerei (les gĂąteaux), et dâautres. Les livres autrichiens reconnaissaient dâailleurs que ces concepts se superposaient. Lâadoption du terme français a aussi permis de dĂ©signer par un seul mot un ensemble de pratiques qui nâavaient pas dâenveloppe lexicale commune.
MĂȘme les douanes, qui dĂ©finissent pourtant chaque produit pour pouvoir le taxer comme il se doit, nâont pas rĂ©ussi Ă cerner la pĂątisserie. Dans le « systĂšme harmonisé » de lâOrganisation mondiale des douanes, qui est utilisĂ© pour classifier chaque marchandise dĂšs quâelle passe une frontiĂšre, les pĂątisseries occupent la position 1905, avec la boulangerie et la biscuiterie. Mais une pĂątisserie au chocolat, comme un opĂ©ra (surgelĂ© Ă©videmment), sera sans doute enregistrĂ© sous lâĂ©tiquette 1806-90, âautres prĂ©parations Ă base de cacao21â.
Le concept de pĂątisserie est devenu complĂštement autorĂ©fĂ©rentiel. Une pĂątisserie, câest ce quâon mange chez le pĂątissier, en français dans le texte. La pĂątisserie française est forcĂ©ment la meilleure du monde puisquâelle ne se rĂ©fĂšre quâĂ elle-mĂȘme. Le phĂ©nomĂšne sâest accĂ©lĂ©rĂ© dans les derniĂšres dĂ©cennies. Dans les publications en anglais ou en allemand, les concepts de pastry ou de ZuckerbĂ€ckerei sont peu Ă peu remplacĂ©s par celui de « pĂątisserie »22.
La domination française dans le domaine ne durera que tant que le luxe sera associĂ© Ă lâimage de la France. Depuis la renaissance Ă©conomique du Japon Ă la fin du 20e siĂšcle, des entreprises nipponnes exportent par exemple le « wagashi » (la confiserie japonaise, que lâon peut dĂ©guster par exemple chez Toraya Ă Paris). La concurrence entre cultures pĂątissiĂšres est revenue, et câest tant mieux.
Notes
1. BeauvillĂ©, Guillemette de. âLes noms de famille de France tirĂ©s des noms de mĂ©tiers, de charges et de dignitĂ©s (Suite)â. Revue Internationale d’Onomastique, Septembre 1954. p. 221-234.
2. Lespinasse, René de. Les métiers et corporations de la ville de Paris. Tome I, 1886. p. 366.
3. Ibid. p. 377.
4. La Varenne, François-Pierre de. Le Pastissier François. Elzevier, 1655, p. 174.
5. La recette est dans Le Cuisinier François, p. 235 de lâĂ©dition de 1651.
6. Mintz, Sidney W. Sweetness and power: The place of sugar in modern history. Penguin, 1986.
7. Kudriaffsky, Eufemia. Die Historische KĂŒche. Hartleben, 1880, p. 273.
8. CarĂȘme, Augustin. Le MaĂźtre-d’hĂŽtel français, Tome second. J. Renouard, 1842 [premiĂšre Ă©dition 1822], p. 109.
9. Ibid. p. 215.
10. Ailleurs dans le livre (Ă©dition de 1790), on trouve quand mĂȘme des mots issus du français, comme Ragou, Schampian (champignons de Paris), Blamaschee (blanc-manger). Je nâai pas connaissance dâune Ă©tude complĂšte sur la place du français dans la cuisine autrichienne du 18e siĂšcle.
11. Genlis, StĂ©phanie-FĂ©licitĂ©, comtesse de. Maison rustique, pour servir Ă l’Ă©ducation de la jeunesse, Tome second. Maradan, 1810, p. 87.
12. Teuber, Carl, et Margaretha Reich. Erstes National-Kochbuch in praktisch unterrichtenden GesprÀchen zwischen Koch, Köchinn, Leopold Grund, 1837, p. 286.
13. Kudriaffsky, op. cit., p. 123.
14. Ibid. p. 222-223.
15. RĂłzsa MiklĂłs. âDie TĂ€tigkeit des ZuckerbĂ€ckers Friedrich Heger und die ZuckerbĂ€cker der im Ausbau befindlichen Pester Leopoldstadtâ, TanulmĂĄnyok Budapest MĂșltjĂĄbĂłl 22., 1988, p. 103-134.
16. CarĂȘme, Augustin. Le PĂątissier royal parisien, Tome premier. J. Renouard, 1848 [premiĂšre Ă©dition 1815], p. xxx.
17. Au moins sous le rÚgle de Marie ThérÚse, voir Stollberg-Rilinger, Barbara. Maria Theresia: Die Kaiserin in ihrer Zeit, CH Beck, 2019.
18. Je compare lĂ lâĂ©dition de 1817 du Wienerisches bewĂ€hrtes Kochbuch avec lâĂ©dition de 1860 du Vollkommener Conditor. Il faudrait comparer la place des termes français dans les Ă©ditions successives de ce livre, lâun des tout premiers en allemand consacrĂ© exclusivement Ă la confiserie et Ă©ditĂ© de nombreuses fois tout au long du 19e siĂšcle.
19. Dans: Epstein, Jacob. Der Wiener Conditor. Daberkow, 1890 [premiÚre édition 1871].
20. G. Sin Edit. âĂletmĂłdvizsgĂĄlat egy budakalĂĄszi cukrĂĄszmƱhely mƱködĂ©sĂ©nek elemzĂ©se kapcsĂĄn (1919â1950)â, Fejezetek Pest megye törtĂ©netĂ©bĆl II., 1979, p. 211.
21. Je nâai pas trouvĂ© dâinformations prĂ©cises Ă ce sujet, mais la sociĂ©tĂ© dâimport-export Zauba rend publique une partie des marchandises quâelle transporte, oĂč lâon voit que des produits appelĂ©s âpĂątisseriesâ ne sont pas enregistrĂ©s sous la position 1905. Voir en ligne zauba.com/import-patisseries-hs-code.html.
22. Les donnĂ©es de Google Ngram ne sont pas exploitables en valeurs absolues (on ne connaĂźt pas les sources que Google y a mis) mais en valeurs relatives. Relativement Ă pastry, la frĂ©quence du mot âpĂątisserieâ a Ă©tĂ© multipliĂ©e par quatre depuis 1950 dans le corpus en anglais, et par six dans le corpus en allemand sur la mĂȘme pĂ©riode, relativement Ă ZuckerbĂ€ckerei, FeinbĂ€ckerei et KuchenbĂ€ckerei.